Après le chaud le froid et vice versa
D’une saison à l’autre. Dans certains métiers d’autrefois, la livraison à domicile faisait partie de la vente. Nous avons tous connu, du moins ceux de ma génération, les glaciers ou les charbonniers, qui quels que soient les quartiers, les maisons où les étages, déposaient leur marchandise là où elles devaient être, sans rechigner à la tâche.
Les pains de glace
Je n’ai pas connu les chevaux pour la livraison des pains de glace, mais je me souviens parfaitement du camion bâché qui desservait notre quartier dans les années cinquante. Sa tournée passait par la rue Louis Latimier où l’attendaient sur les rebords des fenêtres et dans les recoins des portes d’entrée, les bassines et les cuvettes avec la monnaie correspondant à la commande. Il est impensable aujourd’hui de voir des pièces, parfois des billets, exposés aux regards de tous, sans qu’ils soient immédiatement subtilisés. Le quartier était ouvrier mais honnête et respectueux du bien des autres. Chacun son pain. Des pains de glace taillés sur mesure avec un pic et une dextérité du livreur qui nous fascinaient. Du sur mesure pour les glacières en bois d’après-guerre qui étaient un grand progrès dans la conservation des aliments. Des glacières qui remplaçaient les garde-mangers grillagés accrochés aux plafonds avant d’être à leurs tours remplacés par des réfrigérateurs.
L'usine Bastidienne de La compagnie des Docks Frigorifiques de Bordeaux, que l'on peut apercevoir en partie sur la première photo, était située côté pair de l'avenue Thiers, à la hauteur du cours le Rouzic. Elle fabriquait de la glace pour les professionnels et les particuliers qu'elle livrait à domicile. On pouvait également s'approvisionner directement à l'usine, en pains entiers, en demi pain ou quart de pain, selon les besoins et les dimensions des glacières qui généralement comme on peut le voir si dessus n'étaient pas un encombrant meuble de cuisine.
Les boulets de charbon
Aux premier jours de l'hiver quand Noël se fête au balcon et qu'on prédit un Paques aux tisons ceux de ma génération ne peuvent s'empêcher d'évoquer le terrible hiver 54 qui a ébranlé les consciences et marqué notre histoire. A propos d'histoire ou du moins de petite histoire celle du livreur de charbon était celle du héros du quotidien. Un métier disparu et montré du doigt par les écolos d’aujourd’hui, mais indispensable dans les années d’après-guerre où comme on disait chez nous « ça caillait dans la barraque ». Les charbonniers comme on les appelait alors, transbahutaient à dos d’homme les sacs de boulets qu’ils déversaient dans les enclos aménagés des chais et cabanons voir même dans les cuisines.
Dans les années soixante à quatre-vingt-dix, ce magasin de la rue Pierre Curie à Floirac était un lieu incontournable des bricoleurs et des artisans, mais surtout le centre névralgique de l’approvisionnement en combustibles d’une grande partie de la rive droite. Je me souviens de leur gentillesse et de leurs conseils désintéressés (c’était une autre époque) lors de mes achats d’outillage et de matériaux, mais aussi la période qui a précédé leur installation au 35 de rue pierre curie en face de l’ancienne usine des Guanos. Dans les années d’après-guerre (et peut-être même avant), la famille Bely, qui était domiciliée rue de l’Espérance, nous livrait comme à la plupart des habitants du quartier, les boulets de charbons.